Sonia Wuthrich

​​​​Sonia Wüthrich, archéologue cantonale et cheffe de la section Archéologie​​ de l'OPAN

Qui êtes-vous? 
Sonia Wüthrich, archéologue cantonale, cheffe de la section Archéologie de l'Office du patrimoine et de l'archéologie du canton de Neuchâtel (OPAN).

Quel a été votre parcours professionnel?
​Après avoir terminé mes études universitaires en 1993, suivies d'un voyage de plusieurs mois en Asie, j'ai rejoint le Service cantonal d'archéologie de Neuchâtel en 1995, prenant la direction d'un chantier de fouilles archéologiques lié aux grands travaux de construction de l'autoroute A5. Il s'agissait alors d'un mandat d'une durée de deux ans... 28 ans plus tard je suis encore engagée pour le Canton!

Durant mon parcours, j'ai eu l'opportunité d'exercer plusieurs fonctions, archéologue cheffe de chantier, chargée de projets, puis adjointe de l'archéologue cantonal en 2010. Durant mes activités, j'ai pu mener des recherches scientifiques, notamment sur le thème de l'émergence et du développement du mégalithisme régional et suprarégional au cours du Néolithique. Depuis 2012, en tant qu'archéologue cantonale, je dirige la section Archéologie de l'OPAN.

Quelle est votre formation?
Formation à la Faculté des lettres de l'Université de Lausanne, obtention d'une licence en archéologie provinciale romaine en 1993.

Quelles sont les tâches/les missions rattachées à votre fonction?
La sauvegarde et la valorisation du patrimoine archéologique neuchâtelois constituent les principales missions de la section Archéologie de l'OPAN.

Lorsque ce patrimoine est exposé aux risques de destruction engendrés par les activités humaines (essentiellement les projets d'aménagement de construction) ou à des facteurs naturels (comme l'érosion par exemple), il est en effet impératif d'en assurer l'intégrité. Par le biais notamment du suivi des dossiers SATAC (Système Automatisé de Traitement des Autorisations de Construire) et du traitement de demandes d'autorisation de construire, il s'agit de mettre œuvre les mesures nécessaires et adaptées à la protection du patrimoine; et ceci, le plus souvent, en réalisant des opérations de diagnostic suivies, le cas échéant, de la mise en place de fouilles archéologiques.

Ainsi, la tâche essentielle de l'archéologue cantonale est de veiller et d'assurer la réalisation efficiente des missions de sauvegarde qui incombent au Canton, par le biais de la section Archéologie de l'OPAN.

Quels sont vos principaux défis professionnels actuels?
Les défis sont multiples et variés avec par exemple :

  • Développer et consolider l'intégration de la sauvegarde du patrimoine archéologique dans les stratégies et procédures cantonales et fédérales en matière d'aménagement du territoire
  • Développer l'exploration et la documentation de régions, telles que les Vallées et les Montagnes neuchâteloises ; les recherches archéologiques ont longtemps été priorisées sur le bas du Canton, à la faveur notamment des grands travaux d'infrastructure (Corrections des eaux du Jura, construction de l'autoroute A 5 notamment)

​Depuis plus de 150 ans, l'archéologie neuchâteloise jouit d'une grande renommée à l'échelle nationale et internationale : dans les domaines de la recherche lacustre ou sur la civilisation celtique autour du site de La Tène –qui a prêté son nom au Second âge du Fer européen – ainsi que les recherches sur les occupations en grotte de l'Homme de Né​andertal, pour ne citer que quelques exemples. Aussi, il est extrêmement important aujourd'hui de poursuivre cette «tradition» et de maintenir ce pôle de compétences et de savoir-faire. En d'autres termes: faire rayonner l'archéologie neuchâteloise au-delà des frontières quelles qu'elles soient.

Comment se déroule votre journée/votre semaine type?
Prenons l'exemple d'une semaine type. Elle est le plus souvent rythmée et jalonnée par la participation ou la mise en œuvre de séances de planification, d'organisation, d'information, de réflexion, etc., tant au sein de la section Archéologie qu'en collaboration avec les autres sections de l'OPAN, les services de l'État – en particulier liés à l'aménagement du territoire – d'autres institutions cantonales et extra cantonales (par exemple Conférence suisse des archéologues cantonaux) et certains organes de la Confédération.

Parallèlement, cette semaine type est complétée par la gestion des affaires courantes notamment administratives ainsi que par le traitement des diverses sollicitations et demandes externes.

Qu'est-ce que vous préférez dans votre travail?
Les échanges, les synergies, le travail en réseau, quels que soient le cadre et l'échelle d'interaction, tant à l'interne qu'à l'externe de l'entité administrative professionnelle. Il est extrêmement précieux et nécessaire de pouvoir offrir et se nourrir de l'apport des autres, avec leurs expériences, leurs connaissances, leurs regards critiques, afin de progresser et d'évoluer.

Un très bon souvenir dans le cadre de votre travail?
Quand on choisit de devenir archéologue – un métier qui fait souvent rêver – et qu'on la chance d'en faire sa profession, ce serait bien mentir que de dire qu'il n'y a pas de bons souvenirs, ils sont nombreux et variés effectivement ! Évoquer des souvenirs c'est un peu un retour en arrière, l'expression d'une certaine nostalgie, or, des beaux moments on en vit au quotidien…

À la source de notre travail, il y a bien sûr le moment de la découverte archéologique et l'émotion spontanée et instantanée qu'elle génère à chaque fois que des témoins du passé apparaissent au grand jour, après avoir été enfuis dans nos terres durant des milliers d'années : qui se cachait derrière tel objet abandonné ? quelle était la personne et pourquoi était-elle enterrée à cet endroit précis​? etc.

Au-delà de la découverte et de la récolte de faits et d'indices, il y a tout le travail de contextualisation et d'enquête analytique qui se met en place par la mise en réseau de compétences et de savoir-faire interdisciplinaires ; l'objectif étant de retracer un pan de l'Histoire ou de la Préhistoire, aussi modeste soit-il, ou plus simplement de raconter une histoire à travers une découverte.

Au final, s'il convient de parler de réussite, elle réside dans le partage et la transmission de ces bribes d'histoires qui trouvent écho dans la reconnaissance experte des milieux scientifiques et bien sûr dans la curiosité et l'émotion suscitées auprès d'un large public.

Un lieu que vous aimez particulièrement dans le canton?
La Béroche! Pour sa beauté et sa diversité paysagère : entre rives lacustres, vignobles, prairies et champs cultivés, forêts mixtes et pentes escarpées des premiers contreforts du massif jurassien. Un paysage en mosaïque emblématique et caractéristique du territoire neuchâtelois !

Une citation qui vous inspire?
«On croit qu'on va faire un voyage, mais bientôt c'est le voyage qui vous fait, ou vous défait» Nicolas Bouvier in «L'usage du monde».

Quelle personnalité/personne admirez-vous et pourquoi​?
Dans les faits, on peut trouver des personnes admirables aussi bien parmi des anonymes que des célébrités…S'il convient d'en choisir une, autant sélectionner une personnalité connue, et qui n'a rien à voir avec le domaine de l'archéologie! Alors je pense à une figure suisse et mondialement connue; certes qui n'occupe plus véritablement le devant de la scène aujourd'hui, mais dont les combats sont éminemment d'une actualité brûlante, compte tenu du contexte géopolitique actuel dans certaines zones du globe: Carla Del Ponte, ancienne procureure de la Confédération et à la Cour pénale internationale. Une «tronche», qui, au risque d'y laisser sa peau, a toujours fait preuve de ténacité et de pugnacité dans sa quête, souvent de longue haleine, de justice et de défense des victimes de conflits les plus atroces.​

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