Matériaux de remplacement

Comme le déplorait Jacques Béguin en 1947 ("L'esprit des murs est battu en brèche par l'oubli, sapé par l'engouement moderne pour le béton, les liants, les placages et le simili"), le début du 20e siècle est marqué par l'apparition des matériaux de remplacement de la Pierre Jaune (cf. Exploitation). Les matériaux de remplacement prépondérants sont sans conteste la Pierre de Jaumont et les similis, même si d'autres calcaires jaunes ont été ponctuellement employés.

 

La "Pierre de Jaumont" (ou calcaire de Metz ou "oolithe de Jaumont")

La Pierre de Jaumont provenant de la région de Metz (France) a été introduite sur le marché neuchâtelois pour remplacer la Pierre Jaune à la fin du 19e siècle. Bien que plus chère du fait du transport, elle était disponible beaucoup plus rapidement et sous forme de blocs plus grands que la Pierre Jaune dont les bons bancs facilement accessibles étaient fortement appauvris. Elle s'est surtout imposée sous la forme de placages recouvrant d'autres pierres ou - plus souvent encore - du béton.

La similitude qui existe entre Pierre Jaune et Pierre de Jaumont est si grande que le néophyte peine à les distinguer : ce sont deux calcaires oolithiques à bioclastes, de teintes ocre très similaires. Toutefois, la Pierre de Jaumont est beaucoup plus homogène que la Pierre Jaune, qui en comparaison paraît beaucoup plus bariolée ou "vivante" que la première. La Pierre de Jaumont est plus ancienne que la Pierre Jaune puisqu'elle appartient à l'étage géologique du Bajocien (≈ -175 millions d'années, période Jurassique - cf. "Origine géologique"). Du point de vue des caractéristiques physiques et mécaniques, elle est généralement plus homogène, plus poreuse et plus capillaire que la Pierre Jaune.

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La Chaux-de-Fonds, gare - 2009
Partie inférieure (jusqu'à la traverse des fenêtres) :
Pierre de Jaumont, partie supérieure : Pierre Jaune
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Neuchâtel, Rue de l'Hôpital 11 - 2009
Placage en Pierre de Jaumont 

 

 

 

Les similis

Les "similis Pierre Jaune" sont des mortiers formés d'un liant hydraulique mélangé à un agrégat constitué de Pierre Jaune plus ou moins finement broyée. Le liant hydraulique peut être la chaux hydraulique et/ou un ciment blanc. Ces liants confèrent aux similis une dureté telle, qu'après séchage, ces derniers peuvent supporter un travail de finition identique à celui appliqué à la Pierre Jaune (ils sont généralement bouchardés). Contrairement à beaucoup de pierres, la Pierre Jaune est (sauf faciès particulièrement tendres) suffisamment résistante pour côtoyer ce type de mortiers plutôt durs sans subir de dommages mécaniques. C'est pourquoi les similis peuvent être utilisés seuls, pour parementer des éléments de façades entiers, ou comme mortiers de ragréage (ou rhabillage). Toutefois, seul un professionnel saura trouver le dosage idéal entre les différents liants, l'agrégat et l'eau pour aboutir à un simili assez dur pour être taillé tout en étant assez "souple" pour ne pas entraîner la dégradation de la Pierre Jaune contiguë. Les similis étant à base de liants hydrauliques, ils peuvent facilement être repérés, lorsqu'ils présentent des défauts de dosage ou de mise en œuvre, grâce aux fissures en étoile typiques du retrait de ces liants, notamment lors d'une dessiccation trop rapide.

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La Neuveville (BE), Grand Rue - 2009
La devanture du rez entre les chaînes d'angle est
entièrement recouverte de simili
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Erlach (BE)- 2009
Encadrement de fenêtre entièrement en simili présentant les fissures typiques des joints hydrauliques​

 

 

 

Les autres calcaires jaunes…

Les calcaires urgoniens jaunes

Les calcaires urgoniens jaunes se sont formés seulement quelques millions d'années après la Pierre Jaune (≈ -115 millions d'années) à l'étage du Barrémien inférieur - période Crétacé - que certains auteurs placent aujourd'hui dans le même étage géologique que la Pierre Jaune, c'est-à-dire dans le Hauterivien. Macroscopiquement, les calcaires urgoniens peuvent contenir plus de débris coralliens et présenter une gamme de teintes plus étendue que la Pierre Jaune (ils peuvent varier du rouge brun au jaune beige suivant les régions), mais ces deux calcaires étant souvent oolitiques, sparitiques et à forte teneur en glauconie, même les géologues peinent à les différencier sans avoir recours à des méthodes d'observations microscopiques. Ils sont donc difficilement identifiables sur les constructions.
 
  • La pierre de Boveresse est une pierre très semblable à la Pierre Jaune. Elle présente des teintes très douces, dans les tons jaune pâle légèrement rosés. Elle était anciennement exploitée dans les pentes dominant le village de Boveresse dans le Val-de-Travers. Les "beaux" bâtiments de la région sont souvent faits de cette pierre, surtout à Môtiers, et à Boveresse bien sûr.

  • L'urgonien jaune de la région de Neuchâtel a été exploité dans les carrières de La Sauge et de Serrières. Il est probable que les faciès correspondants soient tellement semblables à la véritable Pierre Jaune d'Hauterive, qu'ils ne sont pas reconnaissables sur les constructions.

 
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Môtiers (NE), Grand Rue 14
Chaînes d'angle et encadrement
en pierre de Boveresse​
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Môtiers (NE), temple
Arcades en pierre de Boveresse​
  

 

 

Les calcaires jaunes provenant de Franche-Comté (France)

Certaines sources mentionnent que des pierres de couleur jaune utilisées dans quelques fermes jurassiennes pourraient provenir des régions de Morteau et de Nozeroy. Dans les deux cas, il s'agit - comme la Pierre Jaune - de calcaires oolitiques et bioclastiques de l'étage Hauterivien :
 
  • les calcaires de la région de Morteau sont très semblables à la Pierre jaune de Neuchâtel. Ils peuvent être observés en ville de Morteau ou sur le bâtiment du couvent des Minimes de la Seigne sur la commune de Montlebon à 4 km de Morteau.

  • les calcaires jaunes de la région de Nozeroy diffèrent de la Pierre Jaune de Neuchâtel par leurs teintes plus uniformes, la cimentation moins sparitique, la prédominance des faciès oolitiques sur les faciès bioclastiques, et sur certains niveaux qui présentent des pores de quelques millimètres à plusieurs centimètres. Ils ont vraisemblablement été exploités à proximité des communes de Molpré et de Mièges où ils ont été abondamment mis en œuvre.

 

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Mièges (France, Jura), église en
pierre jaune de la région de Nozeroy
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Montlebon (France, Doubs), couvent
des Minimes de la Seigne en pierre jaune
de la région de Morteau​