Bref historique

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XIXème siècle : une exploitation intensive

Jusqu'à la deuxième moitié du XIXe siècle, la forêt neuchâteloise, comme partout ailleurs, était soumise à une exploitation intensive, à des coupes rases et à des déforestations compromettant le rôle de protection des forêts contre les avalanches, les crues et laves torrentielles. Le bétail pouvait y circuler librement; dents et sabots occasionnaient des dommages considérables et la régénération naturelle ne pouvait pas s’installer.

Face à cette situation, le législateur fut amené à prendre les mesures afin d’assurer la pérennité des forêts. La première loi forestière cantonale date de 1869, instaurant l’interdiction de défricher et de faire pâturer les bêtes en forêt. La gestion reste en revanche très classiquement axée sur une structure des peuplements en classes d’âges, exploités en coupes rases à maturité, altérant le sol et détruisant l’habitat des plantes et des animaux hôtes.

 

Début du XXème siècle : la forêt jardinée

L'arrivée des combustibles fossiles et de l'électricité détrôna le bois dans son rôle prépondérant d'agent énergétique et la pression sur les massifs forestiers se relâcha peu à peu.

Dès 1890, sous l'impulsion de l'ingénieur forestier Henry Biolley (1858-1939), les principes d'une pratique sylviculturale respectueuse de la nature ainsi que les fondements d'une méthode d'aménagement cohérente furent instaurés dans le canton de Neuchâtel, tout d'abord dans les forêts de Couvet, puis rapidement sur l'ensemble du territoire cantonal.

Le jardinage préconisé par Biolley prône l’exploitation d’arbres désignés dans la forêt,  permettant aux autres arbres, de tous âges et de toutes espèces de continuer à cohabiter, rendant possible la régénération par voie naturelle, la sélection et la mise en valeur des arbres d’avenir et l'obtention de bois de  haute qualité. La méthode du contrôle permet de mesurer l’accroissement des forêts lors d’inventaires réguliers, et de la comparer aux exploitations, pour ne jamais exploiter plus que ce que le milieu est capable de produire.

Cette sylviculture exige des forestiers de larges connaissances professionnelles et un profond respect des lois naturelles. Ce n’est sans doute pas un hasard si Neuchâtel, précurseur en 1926, a été le premier canton suisse à introduire l'apprentissage de forestier-bûcheron.

 

Fin du XXème siècle : la carte phytosociologique

Vers le milieu du 20e siècle, le jardinage cultural dévoila ses limites sur les versants ensoleillés du Littoral. En effet, à partir de 1943 et jusqu'en 1950, la répétition d'années de sécheresse fut le révélateur de la faible vitalité des peuplements de basse altitude, où les résineux qui avaient été favorisés n’étaient pas  adaptés. Ces circonstances mirent en évidence l’importance du respect des conditions locales, la station, sur toute décision sylvicole. Une nouvelle stratégie, basée sur la phytosociologie, fut introduite par Jämes Péter-Contesse et Jean-Louis Richard, tous deux ingénieurs forestiers, passionnés de botanique.

Dans les années 1960, l'avènement de la carte phytosociologique a permis d'avoir une meilleure connaissance des associations végétales naturelles. Celle-ci, toujours d'actualité, indique au sylviculteur les unités écologiques de valeurs botaniques et de fertilités différentes lui permettant d'adapter le mode de traitement ainsi que l'intensité de ses interventions en vue de garantir une gestion basée principalement sur les vocations naturelles des stations.

 

XXIème siècle : la forêt au climax, multifonctionnelle, objet de convoitise

L'acte sylvicole répété avec tact, de manière décentralisée et différenciée depuis plus d'un siècle dans notre canton, fait des propriétaires forestiers de ce début de 21e siècle les héritiers privilégiés d'un patrimoine d'une richesse inestimable.

La forêt neuchâteloise est multifonctionnelle par principe. Les résultats du  monitoring socioculturel des forêts démontrent qu'au niveau suisse aussi, la population accorde une grande importance à toutes les fonctions de la forêt. La moitié de notre population se rend d'ailleurs au moins une fois par semaine en forêt en été. Cependant, le nombre et les types d'activités réalisés en forêt ont changé durant ces 15 dernières années. On pratique aujourd'hui deux fois plus de sport. En même temps, les personnes qui disent observer la nature en forêt sont aussi deux fois plus nombreuses. Cette multiplication simultanée des activités physiques et méditatives peuvent contribuer à des gênes chez certains visiteurs.

Malgré ces divergences de vue, 85% des personnes interrogées sont favorables au maintien de l'interdiction de défricher et veulent donc garder cet espace intact. Pourtant, le besoin constant de surfaces constructibles pour le développement des zones d'habitation décentralisées, moins chères et plus calmes, met encore sous pression l'espace rural et périurbain.

La forêt du 21e siècle a ainsi encore de nombreux défis à relever, afin de s'adapter aux usages et aux besoins d'une société changeante, exploiter durablement et trouver des débouchés pour une matière première de qualité, préserver un milieu naturel en équilibre fragile et se préparer aux dérégulations climatiques à venir.