Rédiger un bulletin conjoncturel ressemble, depuis quelques années, davantage à une chronique événementielle et politique qu’à une analyse de l’évolution des grands agrégats économiques.
Paradoxalement, les diverses initiatives du président américain Trump n’ont jusqu’ici réussi qu’à démontrer la puissance chinoise, que ce soit sur les plans économique, industriel ou financier. La consommation américaine fléchit face aux anticipations de hausse de l’inflation. Outre-Atlantique, on s’attend à une croissance faible, voire nulle, pour 2025. En Chine, la demande intérieure ne décolle pas autant qu’espéré, et les problèmes immobiliers restent irrésolus.
L’agitation américaine a pour effet de faire monter l’euro, et encore davantage le franc. Par conséquent, les taux d’intérêt associés à ces devises tendent à baisser, renouant avec une situation favorable à la croissance immobilière et au financement des dettes publiques. Les marchés boursiers en profitent également.
On pourrait aller jusqu’à dire que l’annonce, un peu partout en Europe, de nouvelles dépenses militaires constitue une bonne nouvelle, symbole d’une réindustrialisation porteuse d’innovations et d’emplois. Mais ce pas, nous ne le franchirons pas. Un système économique prospère repose sur les valeurs auxquelles aspire la population et qui, en retour, s’investit dans le travail comme dans d’autres activités sociales. Espérons que le retour des canons, des champs de bataille et des génocides du XXe siècle ne suscitera pas d’enthousiasme durable au-delà des effets d’annonce et de leur instrumentalisation politique et médiatique.
Quels projets pourraient alors enthousiasmer des populations désabusées ? Dans les années 1970 et 1980, alors que le chômage de masse, la course aux armements, le terrorisme politique rouge et noir, et les tensions sociales s’étaient durablement installés, ce sont les projets locaux, le pragmatisme et la volonté de reprendre le contrôle de leur destin qui ont poussé d’innombrables Européens à s’investir dans des actions certes limitées, mais en adéquation avec leurs valeurs, leurs compétences, leur énergie et leurs intérêts. Ce développement « par le bas », dit « endogène », a permis de repartir sur de nouvelles bases. Certains de ces innombrables projets ont rencontré le succès, comme le développement de la montre en tant qu’objet de distinction sociale, puis de l’horlogerie mécanique. L’industrie de l’Arc jurassien s’est reconstituée, même si les conditions-cadres suisses ne sont jamais vraiment redevenues favorables à l’industrie d’exportation. Puis, la finance de marché a pris le dessus, les multinationales ont imposé leurs règles, menant à l’ultra-concentration du pouvoir que nous connaissons aujourd’hui. Mais cela, c’est une autre histoire… Peut-être que de l’expectative actuelle naîtront diverses initiatives intéressantes. L’incertitude ouvre aussi des portes.
Si les perspectives sont moroses, une bonne surprise n’est pas à exclure. Une détente sur le front ukrainien permettrait d’alléger la pression sur les États et d’envisager d’autres investissements — ceux-là productifs à long terme.