Budget 2023 de l’État de Neuchâtel : maintenir le cap malgré les crises et les nombreuses incertitudes

28.09.2022

Après avoir présenté des budgets excédentaires ces trois dernières années, le Conseil d’État, comme il l’avait pressenti lors de la présentation du programme de législature, est contraint de présenter un budget déficitaire. Les conséquences directes et indirectes des crises qui se prolongent et se multiplient ne peuvent en effet être totalement absorbées. Le budget 2023 affiche un excédent de charges de 9,5 millions de francs ainsi qu’une enveloppe d’investissements nets de 117,8 millions de francs, autofinancée à hauteur de 32,4%. Pour la première fois depuis 2019, les limites du frein à l’endettement ne seraient ainsi pas respectées.

Dans un contexte de reprise de l’inflation, de hausse généralisée des taux d’intérêts et de croissance importante des coûts de la santé, marqué aussi par plus de deux ans de crise sanitaire ainsi que plusieurs mois de conflit armé dans l’Est de l’Europe, le budget 2023 présenté par le Conseil d’État se caractérise par un niveau d’incertitude élevé ainsi que par une évolution défavorable des principaux domaines de charges. La détérioration par rapport aux derniers exercices est toutefois relativement limitée, de sorte que l’objectif d’un retour dans les chiffres noirs à l’horizon 2024, annoncé dans le cadre du programme de législature, demeure.

Aux yeux du Conseil d’État, qui a sollicité un effort conséquent de la part des services de l’administration cantonale pour atteindre les chiffres présentés, le respect strict des critères du frein à l’endettement dans le contexte actuel imposerait des coupes trop sévères et pourrait s’avérer contreproductif pour le canton. Dans une période aussi incertaine, l’État se doit en effet d’assurer la stabilité des prestations et de maintenir les efforts de modernisation et d’assainissement des infrastructures afin de répondre aux nombreux défis climatiques et d’attractivité qui se présentent. Le Conseil d’État considère en outre que cette période n’est pas favorable à l’acceptation de réformes ambitieuses dans d’autres domaines que ceux impactés par les crises et qu’elle commande au contraire la recherche de la stabilité là où cela reste possible. Dans l’administration comme au sein des autorités, la disponibilité manquerait d’ailleurs aussi pour conduire de telles réformes dans de bonne conditions. En conséquence, le Conseil d’État propose de déroger aux mécanismes ordinaires de maîtrise des finances, comme le permet la législation dans des circonstances particulières.

Facteurs d’évolution du budget
La détérioration par rapport aux derniers budgets s’explique notamment par la hausse des charges dans les domaines de la santé, de la formation et de la prévoyance sociale. Une forte croissance des primes d’assurance maladie est notamment attendue dans le canton en 2023. Les effets négatifs de l’inflation et de la remontée des taux d’intérêts ont également dû être absorbés par le budget de l’État. Sous l’angle des ressources humaines, des éléments tels que la sécurité informatique, la conduite de multiples projets d’investissements, la mise en œuvre du plan climat, les effectifs de gestion de crise ou encore la mise en oeuvre du programme de législature conduisent à une augmentation des charges de personnel déjà largement impactées par la compensation partielle du renchérissement.

L’évolution positive de certains revenus permet néanmoins de contenir la détérioration observée au niveau des charges. Le résultat projeté tient notamment compte d’une augmentation importante des paiements reçus dans le cadre de la péréquation financière nationale. De surcroit, les effets de la bonne conjoncture qui prévaut encore se retrouvent par exemple au niveau des projections fiscales ainsi que des revenus budgétés dans les fonds d’accueil extra-familial et d’encouragement pour la formation professionnelle. Il en va de même au niveau de l’évolution des dépenses d’aide sociale qui affichent une diminution limitant la croissance de la facture sociale. Enfin, la mise en œuvre des premières orientations annoncées dans le cadre du plan financier de législature participe également à limiter l’évolution négative du budget de l’État et permet d’envisager le retour à l’équilibre budgétaire à l’horizon 2024, lequel nécessitera néanmoins encore des efforts conséquents.

Incertitude élevée
Cette année encore, de multiples éléments d’incertitude caractérisent le budget présenté. L’impact et la durée de la crise sanitaire, mais également de la guerre qui sévit en Europe de l’Est sont autant d’inconnues avec lesquelles le Conseil d’État doit composer au moment d’établir des projections pour 2023. S’agissant des incidences financières de ces deux crises majeures, les dernières estimations ont été intégrées au budget pour un montant net de l’ordre de 20 millions de francs compensé par un prélèvement équivalent à la réserve de politique conjoncturelle. De nombreuses interrogations subsistent également au niveau de la dynamique que connaîtront l’inflation et les taux d’intérêts ces prochains mois. Du point de vue des revenus, ceux attendus de la Banque nationale suisse (BNS) afficheront probablement une baisse importante par rapport aux deux dernières années, raison pour laquelle ils ont été budgétés à leur niveau minimum. En outre, l’évolution très incertaine de la conjoncture économique et des marchés financiers, caractérisée par de multiples facteurs d’instabilité et possibles goulets d’étranglement impactant diverses sources d’approvisionnement, limite fortement la capacité à établir des projections fiables à court et moyen termes. Les difficultés d’approvisionnement énergétique sont elles aussi sources d’importantes inconnues.

Enfin, la présentation du budget 2023 s’accompagne, outre la proposition de déroger aux mécanismes du frein à l’endettement comme le permet la loi, de plusieurs mesures formelles soumises à l’approbation du Grand Conseil. Le Conseil d’État propose ainsi d’adapter la législation financière pour permettre l’utilisation de la réserve en faveur du développement durable pour la compensation de dépenses de fonctionnement représentant un engagement envers les générations futures. Les échéances des différentes composantes du programme d’impulsion et de transformations sont également actualisées et un montant d’un peu plus d’un million de francs est réalloué à des mesures d’impulsion dans les domaines de l’inclusion professionnelle et de l’accompagnement à domicile des personnes vivant avec un handicap. D’autres propositions portent sur la compensation du renchérissement dans les crédits relatifs à des projets déjà lancés ainsi qu’à diverses modifications législatives d’ordre technique dans le domaine de l’action sociale et de l’accueil des enfants. Le cautionnement en cours en faveur du CNP doit également être prolongé.

Efforts supplémentaires nécessaires à moyen terme
Le plan financier et des tâches 2024-2026 présente un compte de résultats encore loin de l’équilibre, avec des déficits compris entre 46 et 78 millions de francs. Ces projections attestent des nombreux efforts encore à fournir pour atteindre l’objectif annoncé d’un retour dans les chiffres noirs à l’horizon 2024. Quant aux investissements, ils s’inscrivent dans une fourchette allant de 139 à 151 millions de francs pour les exercices 2024 à 2026, amorçant ainsi une période déterminante caractérisée par des dépenses significatives découlant des multiples projets lancés au cours des précédentes législatures et des nombreux défis de modernisation et d’assainissement des infrastructures du canton. Des arbitrages seront encore nécessaires dans ce domaine.

À l’horizon du plan financier et des tâches, plusieurs sources d’incertitudes supplémentaires induisent toutefois une inquiétude quant à leur impact potentiel sur les finances publiques, en particulier celles en lien avec les diverses initiatives populaires actuellement en cours de traitement dans les domaines de la culture et du sport, des transports et de la péréquation intercommunale.