Contre-projet à l’initiative «pour une assurance des soins dentaires»

24.01.2020

Le Conseil d’État a adopté et décidé de mettre en consultation un projet de rapport à l'attention du Grand Conseil en réponse à l’initiative intitulée « pour une assurance des soins dentaires ». Tout en partageant l’ambition des initiant-e-s d’améliorer la prise en considération de la santé bucco-dentaire, il souhaite adapter le modèle proposé afin de prioriser les mesures et d’assurer un financement viable pour les collectivités publiques et acceptable pour les citoyen-ne-s. À travers un contre-projet ambitieux dans ses objectifs mais pragmatique et modéré dans sa mise en œuvre, le Conseil d’État entend inscrire son action dans une politique globale de santé publique.

Déposée en 2015, l’initiative populaire vise à instaurer une assurance de base obligatoire dans le Canton de Neuchâtel afin de couvrir les dépenses relatives à la santé bucco-dentaire de toute sa population. En défendant un objectif louable, cette initiative a le mérite de mettre en lumière un important enjeu de santé publique.

Un enjeu important de santé publique
La santé bucco-dentaire constitue en effet une composante indéniable de l'état de santé et du bien-être des individus en général, alors que les inégalités qui frappent l’accès aux soins dans ce domaine sont réelles. Les études à ce sujet démontrent que plus les actions dans ce domaine sont précoces, plus les effets sont positifs et durables. Ainsi, une bonne santé bucco-dentaire passe en premier lieu par de la prévention et de la prophylaxie dès le plus jeune âge.

Aux yeux du Conseil d’État, l’initiative telle que présentée impliquerait toutefois le déploiement de ressources qui ne sont pas envisageables dans le contexte socio-économique actuel, ce d’autant que la source de financement proposée par les initiant-e-s – un prélèvement paritaire sur les salaires - ne peut être retenue puisque sans lien avec le marché du travail. En outre, la prise en charge ciblée des populations particulièrement vulnérables en termes de santé bucco-dentaire se révèle bien plus profitable que l’introduction de mesures pour l’ensemble de la population.

Dès lors, en lieu et place d’une assurance de base obligatoire générale, le Conseil d’État propose un programme de santé publique bucco-dentaire qui rejoint les préoccupations des initiant-e-s tout étant plus pragmatique en termes de mise en œuvre. Plus ciblé, il est aussi plus adapté aux contingences financières de notre canton. Avec pour objectif de garantir des conditions cadre à même de favoriser la santé bucco-dentaire pour toute la population, ce programme comprendra des mesures de promotion et prévention ainsi que de prophylaxie et dépistage, en portant une attention particulière en faveur des populations vulnérables, notamment les jeunes et les personnes âgées. Il est également prévu la création d’une fonction de médecin-dentiste cantonal - n’existant pas actuellement - afin de permettre le pilotage de ce programme.

Redevance sur les boissons sucrées : une faible charge mais directement liée
Afin de financer ce dispositif, le Conseil d’État propose l’introduction d’une redevance sur les boissons sucrées, conçue sur le même modèle que la taxe sur les boissons alcooliques. Après analyse, plusieurs autres sources de financement ont été jugées inopportunes politiquement ou irréalisables sur le plan juridique. Cette solution a l’avantage de limiter au maximum les charges qui pèsent sur la population neuchâteloise et les collectivités publiques par le prélèvement d’une taxe modeste – fixée initialement à environ 15 centimes par litre et plafonné à un maximum de 20 centimes par litre - sur un produit en lien direct avec la santé bucco-dentaire, et dont chacun peut choisir de réduire ou d’éviter la consommation.

Perçue annuellement auprès de toutes les entreprises vendant des boissons sucrées sur le territoire cantonal, cette redevance correspondra à un pourcentage du chiffre d’affaires réalisé par la vente des boissons sucrées. Ce choix relève de la volonté du Conseil d’État, de faciliter autant que possible l’introduction, la gestion et la tenue de la comptabilité pour les commerces concernés. Il représente également l’avantage, pour la police du commerce – qui en assurera la mise en place, la taxation et la perception – de pouvoir se référer à un modèle existant dont le mécanisme de fonctionnement est connu et les outils déjà partiellement en place.

Ainsi présenté, le contre-projet a le mérite de répondre aux problématiques de santé publique soulevées par les initiant-e-s tout en tenant compte des réalités socio-économiques de notre canton ainsi que des accueils peu favorables qu’ont connus, dans d’autres cantons, des initiatives similaires. Amené à se développer avec les années, le modèle retenu posera les bases solides d’une véritable politique de santé bucco-dentaire qui pourra déployer ses effets à long terme en fonction des moyens et ressources à disposition. Le gouvernement préconise dès lors le retrait de l’initiative et, à défaut, en propose le rejet au profit de ses propositions. Avant sa transmission au Grand Conseil, le contre-projet sera mis en consultation jusqu’au 6 mars auprès des milieux intéressés.