Budget 2017 et plan financier de l'État

Chute marquée des recettes, poursuite des réformes et nouveau train de mesures indispensables

29.09.2016

Alors que l'évolution des charges est désormais mieux maîtrisée, l'État est aujourd'hui confronté à une baisse massive des recettes. Malgré des efforts conséquents entrepris depuis plusieurs années sur les charges, le budget 2017 s'inscrit hors des limites du frein à l'endettement. En cause : le recul brutal des montants à recevoir au titre de la RPT et de l'impôt des entreprises, qui diminuent de l'ordre de 100 millions de francs par rapport à 2015. Avec un déficit de 68,9 millions de francs, le résultat s'écarte de 55,5 millions du déficit maximum de 13,4 millions de francs autorisé par le frein à l'endettement compte tenu d'un volume d'investissements de 63 millions de francs. Au vu de cette situation, le Conseil d'État soumet parallèlement, dans un rapport séparé, une deuxième étape du programme d'assainissement des finances, portant sur environ 100 millions de francs annuels à réaliser sur trois ans. Vu l'ampleur et la rapidité de la baisse des recettes, le retour immédiat dans les limites ordinaires du frein à l'endettement ne serait toutefois ni possible ni raisonnable aux yeux du Conseil d'État, qui sollicite du Grand Conseil la levée temporaire des mécanismes du frein, dont l'approbation devra recueillir la majorité de 3/5ème des député-e-s.

Efforts conséquents sur les charges

Pour atteindre le résultat de 68,9 millions, les départements et services ont dû proposer des améliorations d'un total de 114 millions depuis la première version du budget établie au printemps sur la base du dernier plan financier et des tâches (PFT). Le projet présenté intègre de nouvelles mesures d'assainissement au niveau légal et réglementaire de 12 millions de francs. Au total, 120 millions de francs d'amélioration découlent des mesures d'assainissement prises depuis le début de la législature.

Les efforts sont mesurables à la lecture de l'évolution des charges directement maîtrisables.

La masse salariale est stable en comparaison avec le budget 2016, malgré de nouveaux besoins qui s'expriment dans de nombreux domaines. Hors écart statistique (charge négative tenant notamment compte du délai de carence et des économies sur remplacement de personnel), les charges du personnel administratif et des magistrats s'élèvent à 459,7 millions en 2016 contre 459,3 millions en 2017. Les effectifs ont été réduits de 29,9 EPT (équivalents plein temps) alors que 21,2 EPT ont été créés à charge du budget de l'État. La réduction nette est donc de 8,7 EPT, ce qui ramène l'effectif total à 2'402,17 EPT. En plus de ces postes financés de façon ordinaire, le Conseil d'État a considéré que 11,1 EPT entièrement autofinancés pouvaient être créés, de sorte que l'effectif total du personnel administratif et d'exploitation, y compris les magistrats, totalisera 2'413,27 EPT en 2017.

Les biens, services et marchandises sont en diminution de 146,5 à 142,4 millions alors même qu'ils avaient déjà été réduits en 2016 par le Grand Conseil.

La progression des subventions a également été contenue. Entre 2016 et 2017, elle n'est que de 12,1 millions ou 1,1% à 1'137,5 millions. Une large part de cette augmentation est due à la prévoyance sociale dans les secteurs LAMal et de l'asile, secteurs sur lesquels il n'y a pas ou peu de maîtrise directe. Globalement, les charges brutes s'accroissent de moins de 1% (19,5 millions ou +0,9%), ce qui est faible en comparaison intercantonale.

Ces efforts sur les charges directement maîtrisables sont d'autant plus importants qu'ils interviennent après plusieurs exercices de rigueur durant lesquels la croissance a été stoppée ou notablement ralentie dans presque tous les domaines de charge. Le Conseil d'État considère que les charges ne peuvent plus être réduites sans des choix clairs en matière de prestations, auxquels il propose de procéder de façon à la fois incisive et responsable.

Chute brutale des revenus

La dégradation du budget 2017 s'explique d'abord par les revenus. Ces derniers baissent de 2'177,4 millions en 2016 à 2'142,4 millions en 2017, soit une diminution de 35 millions ou 1,6%. Comme indiqué en introduction, la baisse est liée à la RPT (-41,5 millions p.r. à 2016, respect. -65,8 millions p.r. à 2015) et aux impôts (-28 millions p.r. à 2016), principalement des personnes morales (-35 millions). Elle est quelque peu atténuée par l'augmentation d'autres revenus, en particulier des subventions fédérales, qui ne font toutefois que compenser des surcroîts de charges dans les domaines de l'asile et des prestations complémentaires.

Investissements ramenés à un minimum indispensable

Le Conseil d'État considère que le dépassement des limites du frein à l'endettement doit trouver des réponses au niveau du compte de fonctionnement et propose de ne pas réduire l'enveloppe des investissements nets, sous peine de mettre en péril les dynamiques positives instaurées durant cette législature. Les investissements se montent donc à 63 millions de francs (y compris un écart statistique théorique de 9,4 millions). Les principaux projets concernent l'assainissement du CPLN (9 millions), l'équipement et la connexion des nouvelles salles machine du SIEN (7,7 millions), le renouvellement des infrastructures informatiques (3,6 millions), l'aménagement et l'entretien constructif des routes (6,9 millions), les prêts de politique régionale (3,9 millions), une première tranche pour le Nouvel Hôtel judiciaire (3,5 millions) et la réforme de l'État (3,1 millions).

Perspectives financières 2018-20 tout aussi préoccupantes

Les perspectives financières pour les années 2018-20, présentées pour la première fois avec le rapport sur le budget, s'écartent également des limites du frein à l'endettement. Le compte de fonctionnement se situe entre 134 millions (2019) et 95 millions (2020). Après une période conjoncturelle difficile entre 2016 et 2019, les prévisions sont légèrement plus optimistes à partir de 2020, mais demeurent préoccupantes. L'enveloppe des investis­sements actuellement prévue pour les années 2018 à 2020 se situe quant à elle entre 95 et 110 millions. Des priorités devront encore être fixées.

L'évolution financière 2018-20 met clairement en évidence quelques tendances de fond : recul marqué de la RPT et incertitudes quant à l'évolution des autres parts aux recettes fédérales (BNS, IFD), fortes fluctuations des revenus des personnes morales dans des contextes économiques toujours plus instables et par conséquent imprévisibles, tissu socio­démographique fragile sollicitant davantage l'aide de l'État (prévoyance sociale et santé en particulier) et générant un rendement insuffisant de l'impôt.

Second train de mesures de 100 millions lancé par le Conseil d'État

La chute des revenus n'est apparue dans toute son ampleur qu'en fin de procédure budgétaire, ce qui a conduit le Conseil d'État à corriger les revenus de la RPT (qu'il avait déjà revus à la baisse) de 25 millions supplémentaires, et les prévisions fiscales de 28 millions de francs en raison de la brusque détérioration de la conjoncture. Il n'était ainsi matériellement plus possible – ni d'ailleurs raisonnable – d'intégrer des mesures additionnelles et d'inscrire le budget 2017 dans les limites ordinaires du frein à l'endettement. Sans ces réductions supplémentaires de revenus, le déficit aurait respecté les limites ordinaires autorisées.

Pour autant, le Conseil d'État ne pouvait se contenter d'observer cette situation sans agir, ce d'autant qu'une croissance significative des revenus n'est pas attendue avant 2019 ou 2020. C'est dans cette optique qu'il transmet au Grand Conseil, dans un rapport séparé, les orientations politico-financières portant sur un objectif d'économies de 100 millions à réaliser sur trois ans, ainsi que les mesures pour y parvenir.

Le Conseil d'État a retenu prioritairement des domaines dans lesquels les volumes financiers sont importants et pour lesquels les autorités jouissent d'une certaine latitude de choix pour la nature et le niveau des prestations offertes à la collectivité, respectivement ceux dans lesquels il considère que la recherche de synergies ou la réforme des structures peut encore être recherchée. Les efforts portent pour moitié sur les charges de l'État, en particulier sur les subventions qui représentent plus de la moitié du budget annuel. Entre autres mesures, le Conseil d'État entend faire passer le temps de travail de référence de la fonction publique de 40 à 41 heures hebdomadaires dès le 1er janvier prochain et l'accompagner d'une réduction proportionnelle des effectifs dans tous les départements (soit une soixantaine de postes de travail au total), d'ici à fin 2017. Le Conseil d'État souhaite ouvrir le dialogue avec les partenaires syndicaux concernant les modalités de mise en œuvre et d'accompagnement de cette mesure.

L'autre moitié des améliorations doit être réalisée à parité au travers de la  participation déjà annoncée des communes aux efforts d'économie, et par une stabilisation des recettes fiscales, notamment en reportant les étapes de mise en œuvre de la réforme de la fiscalité des personnes physiques et en compensant les baisses attendues dans d'autres secteurs.

Ces mesures doivent permettre de ramener la planification financière dans les limites imposées par le frein à l'endettement à l'horizon 2019 et à l'équilibre financier en 2020. Pour le budget 2017, le Conseil d'État proposera, sur la base du rapport sur la deuxième étape du programme d'assainissement, des amendements tenant compte des premiers effets attendus des mesures, accompagnés si nécessaire des modifications de lois et de décrets.

Levée temporaire des mécanismes du frein

Même si toutes les mesures sont adoptées d'ici à la fin de l'année, il apparaît d'ores et déjà qu'elles ne suffiront pas à faire rentrer le budget 2017 dans les limites ordinaires du frein. En conséquence, le Conseil d'État sollicite à titre complémentaire les circonstances extraordinaires prévues par la LFinEC afin de surseoir, par un vote à la majorité qualifiée, à l'application du frein à l'endettement dans le cadre du décret sur le budget 2017.

Comme circonstances extraordinaires le Conseil d'État retient principalement la forte dégradation des revenus de la RPT (-41,5 millions) et, comme circonstances supplémen­taires, la forte détérioration des recettes d'impôts (-28 millions). Cette dernière intervient d'une part en même temps que la dégradation de la RPT et, d'autre part, survient alors que la réserve conjoncturelle n'a pu être que très marginalement alimentée. C'est donc bien le cumul de ces circonstances qui, aux yeux du Conseil d'État, est à considérer comme extraordinaire.

Choix difficiles

La situation actuellement difficile de notre canton conduit chacune des autorités politiques à faire preuve de responsabilité. Des mesures énergiques s'imposent sans tarder pour conserver la confiance de celles et ceux qui animent et développent notre canton, pour mieux rebondir et pour renouer avec la croissance. Au-delà des optimisations de structures, des choix fondamentaux impliquant de redimensionner les prestations publiques sont désormais incontournables, sachant qu'une hausse générale de la fiscalité n'est pas envisageable en comparaison de notre situation sur le plan intercantonal.

Au-delà des clivages partisans, le Conseil d'État exprime son espoir de réunir les forces politiques afin d'opérer des choix équilibrés dans les prestations, sans remettre en cause les dynamiques positives instaurées depuis le début de cette législature, ni fragiliser de façon excessive celles et ceux qui ont un réel besoin du soutien de l'État.

C'est dans cette optique que le gouvernement mènera très prochainement des discussions avec la commission des finances, les différentes forces politiques, les communes ainsi que les partenaires sociaux, sur la base des propositions formulées dans ce second volet du programme d'assainissement.