La Révolution de 1848

Avant 1848, le Canton de Neuchâtel est une principauté détenue par un monarque puissant mais lointain, le roi de Prusse, tout en étant membre de la Confédération suisse. Une aristocratie locale règne sans partage sur le pays. Au XIXe siècle, les aspirations démocratiques murissent et se confrontent au conservatisme bien ancré de l'ancien régime. En 1831, une première tentative de révolution menée par un officier, Alphonse Bourquin, avorte. Plusieurs meneurs républicains sont emprisonnés ou forcés à l'exil. Le mouvement est contraint à la clandestinité. Puis au printemps 1848, une nouvelle vague d'émancipation traverse l'Europe. C'est le « printemps des peuples ». La Suisse comme Neuchâtel ne reste pas insensible aux bouleversements qui s'opèrent alors en Europe.Portrait de Frederic Guillaume (Source: Office des archives de l'État de Neuchâtel)

Portrait de Frederic Guillaume (source: office des archives de l'État de Neuchâtel)

Portrait de Alphonse Bourquin (Source: Office des archives de l'État de Neuchâtel)Portrait de Alphonse Bourquin (source: office des archives de l'État de Neuchâtel)

Les cercles républicains attendent leur heure. À la fin du mois de février, l'annonce d'une révolution en France voisine réveillent les esprits et précipitent les événements. Le soir du 28 février, des républicains hissent un drapeau suisse par provocation devant l'hôtel de la Fleur-de-Lys au Locle. Une altercation s'en suit avec les gendarmes. Les républicains tiennent bon et obtiennent même l'abdication du commandement militaire de la ville.

Quelques heures plus tard, La Chaux-de-Fonds et le Val-de-Travers suivent le mouvement. Les comités révolutionnaires se mobilisent et s'organisent. Soucieux de ne pas reproduire les mêmes erreurs qu'en 1831, ils veillent aux préparatifs militaires mais aussi politiques afin d'assurer la mise en place d'un nouveau régime. Réunis en armes à La Chaux-de-Fonds, les hommes prêtent serment d'être fidèles à la République et Canton de Neuchâtel, de s'y dévouer corps et biens et d'observer strictement la discipline militaire de la Confédération suisse, notre chère patrie.

Le matin du 1er mars, une colonne d'environ 800 volontaires, emmenée par Fritz Courvoisier et Ami Girard marche sur le Château de Neuchâtel. La progression est difficile. Ce 1er mars 1848, il neige par rafales, le soleil n'apparaissant qu'à de rares moments. Si bien qu'en tête de colonne, deux triangles tirés par des chevaux ouvrent un chemin dans la haute neige.

Portrait Fritz Courvoisier (Source: Office des archives de l'État de Neuchâtel)

Portrait Fritz Courvoisier (source: office des archives de l'État de Neuchâtel)

Passage de La Vue-des-Alpes (Source: Office des archives de l'État de Neuchâtel)

Passage de La Vue-des-Alpes (source: office des archives de l'État de Neuchâtel)

À midi, la troupe fait une halte au col de La Vue-des-Alpes, puis entame la descente sur le Val-de-Ruz où elle est renforcée par une centaine de patriotes. À Malvilliers, la reddition d'une petite troupe royaliste est obtenue. À Valangin, deux canons sont capturés. La colonne s'arrête ensuite en fin d'après-midi sur les hauts de la ville de Neuchâtel, à Pierre-à-Bot pour attendre les ordres du gouvernement provisoire.

Pierre-à-Bot (Source: Office des archives de l'État de Neuchâtel)Pierre-à-Bot (source: office des archives de l'État de Neuchâtel)

La nuit tombe et l'attente persiste. Les chefs républicains décident de poursuivre apprenant qu'aucune résistance ne semble leur être opposée. Ils entrent le soir du 1er mars dans la capitale silencieuse et calme. La troupe prend possession du château sans difficulté, rejointe par des volontaires en provenance d'autres régions du canton, notamment du Val-de-Travers. Le gouvernement royaliste a quitté les lieux, préférant éviter la confrontation armée. Ses membres seront arrêtés le lendemain au domicile de l'un des leurs.

Dans la nuit, le nouveau gouvernement prend possession des lieux et se met promptement au travail sous la présidence d'Alexis-Marie Piaget qui deviendra le premier président de la République neuchâteloise et sera l'un des pères fondateurs des nouvelles institutions.

Alexis M. Piaget (Source: Office des archives de l'État de Neuchâtel)

Alexis M. Piaget (source: office des archives de l'État de Neuchâtel)

Lors cette journée intense, caractérisée tant par la spontanéité que la modération, la République neuchâteloise était née. Rapidement reconnu par la Confédération suisse et doté d'une constitution, le nouveau régime entreprend de moderniser les lois et les institutions, posant les fondements de l'État de droit et démocratique que nous connaissons aujourd'hui.

Constitution de la République et Canton de Neuchâtel (Source: Office des archives de l'État de Neuchâtel)Constitution de la République et Canton de Neuchâtel (source: office des archives de l'État de Neuchâtel)

Quelques années plus tard, en 1856, le nouveau régime républicain devra toutefois faire face à une ultime tentative de contre-révolution royaliste, épisode connu sous le nom d'affaire de Neuchâtel qui occupera durant plusieurs mois la diplomatie suisse et même européenne. Cela marque la conclusion de la Révolution neuchâteloise, puisque c'est seulement à la suite de ces derniers événements, que le Roi de Prusse renonce définitivement et officiellement à ses prétentions sur Neuchâtel. Le traité qui le formalise est d'ailleurs toujours en vigueur.

Texte extrait du site internet de la Marche du 1er Mars : https://www.marchedupremiermars.ch/histoire/

Sélection de documents historiques de 1848


Bande dessinée du 150e

Une bande dessinée a été réalisée à l'occasion du 150e anniversaire de la République et Canton de Neuchâtel, en 1998 ; récit de Gil Baillod et illustration de Frascotti.

Extrait de la bande dessinée (pages 13-14) :

« A La Chaux-de-Fonds, sitôt la colonne partie à 10 heures, les membres présents des comités provisoires se réunissent à l'Hôtel de Ville. Edouard Robert-Theurer «somme» les comités du canton d'envoyer leurs délégués sur-le­champ «Au nom de Dieu, point de retard», écrit­il. Des courriers exprès sont acheminés partout.

Piaget arrive en début d'après-midi. L'assemblée générale des délégués, chargée de former le gouvernement provisoire, s'ouvre à 14 heures. Piaget est derechef acclamé président. « Vous ne voulez pas me charger d'un vain titre, dit-il, il s'agit de constituer un gou­vernement; il faut le composer de neuf hommes inspirant de la confiance au pays; je ne veux avec moi que des gens qui aient tout à perdre et rien à gagner au changement avec l'installation de la République. »

Le Dr Georges DuBois accepte tout de suite une charge, aussitôt suivi de Louis-Edouard Montandon à qui l'on n'en demandait pas tant et qui se présente au nom du Val-de-Travers, dont les délégués n'arriveront qu'à 16 heures. Puis, un silence lourd envahit la salle. Il faut un palabre et des mots fermes de Piaget pour ob­tenir l'adhésion des hommes qui doivent for­mer le gouvernement provisoire.

On détermine Henry Grandjean, puis Frédéric­Louis Sandoz-Morthier, du Val-de-Ruz, Piaget se tourne vers Louis Brandt-Stauffer. Il veut, avec lui, l'appui d'un homme disposant d'impor­tants moyens financiers. Et Brandt-Stauffer a donné sa garantie à Courvoisier qu'un gouver­nement serait composé. Alors, contre son gré, il accepte pour un an d'être au Château. Erhard Borel est nommé en son absence, mais il avait donné son accord préalablement. On nomme encore Auguste Leuba que l'on attend du Val­de-Travers, et qui en sera tout fâché, et Charles­Louis Besson qui était à Naples pour son commerce de dentelles.

Galerie de portraits



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