Déclaration du président du Conseil d’État en ouverture de la session du Grand Conseil du 27 septembre 2016 concernant l’assainissement des finances de l’État

Déclaration du président du Conseil d'État Jean-Nat Karakash

Ouverture de la session du Grand Conseil du mardi 27 septembre 2016

Monsieur le président du Grand Conseil,
Mesdames et Messieurs les député-e-s,

Avant tout, nous tenons à remercier votre bureau de nous avoir donné la possibilité de nous exprimer avant l'ouverture de la session.

Il s'agit d'une démarche exceptionnelle, qui pourtant s'impose à nous en regard de la situation critique dans laquelle nous nous trouvons.

D'un côté, la situation financière de l'État se dégrade fortement et rapidement, ce qui nous obligera à prendre des options claires à très brève échéance. De l'autre, nous devons nous adapter sans tarder à un contexte de mutation profonde, au niveau suisse et international, nous organiser pour relever des défis majeurs qui s'imposeront à nous durant les prochaines années.

C'est à nos deux autorités que la population neuchâteloise a confié la lourde responsabilité de conduire aux destinées du canton. C'est pourquoi nous nous devions de porter en tout premier lieu devant vous les données du problème, l'analyse que nous faisons et les solutions que nous proposons.

Les données du problème : nous sommes au pied du mur

Au plan financier, les données du problème sont à la fois simples et brutales :

  • Après avoir subi une première baisse de 25 millions de francs au titre de la RPT entre 2015 et 2016, notre canton enregistrera en 2017 une nouvelle diminution de 40 millions de francs.
  • Parallèlement, la situation conjoncturelle impacte massivement nos rentrées fiscales. Pour les personnes morales, les prévisions 2016 laissent apparaître une dégradation de 35 millions de francs en regard du budget. Aucune perspective d'amélioration crédible n'existe pour 2017.

En clair, entre ces deux seules rubriques, l'État subit en l'espace de deux ans une détérioration de 100 millions de francs de ses revenus.

Cette détérioration intervient au pire moment, dans la dernière année d'une législature que nous avons consacrée à inverser les tendances lourdes qui freinent depuis des années le développement de notre canton.

Elle intervient en outre dans une ampleur et une rapidité qui dépassent tout ce que nous pouvions craindre, ce qui traduit de manière on ne peut plus concrète la fragilité de notre situation. Le risque est donc élevé de réduire à néant le travail de fond que nous avons entrepris ensemble pour remettre le canton sur les rails.

Notre budget 2017 intègre plus de 100 millions de francs de mesures issues du programme d'assainissement. Un programme dont nous avons largement débattu il y a quelques mois seulement dans cette salle. Il s'agit de mesures difficiles, qui impactent la plupart des secteurs d'activité de l'État et qui nous ont permis, depuis le début de la législature, de stopper la dynamique de croissance de nos charges. Mais des mesures qui génèrent d'ores et déjà – nous ne sommes ni sourds, ni aveugles – des réactions et des résistances de plus en plus nombreuses, que ce soit au sein de cet hémicycle, dans nos contacts quotidiens avec les citoyen-ne-s et usagers-ères, au sein de la fonction publique ou même dans les urnes, si nous pensons notamment au vote de dimanche sur le bibliobus.

Or aujourd'hui, malgré tous ces efforts, les faits sont là : la baisse drastique des recettes conduira à ce que les comptes 2016 boucleront pour la première fois hors des limites des freins, et notre budget 2017 présente en l'état un déficit de près de 70 millions de francs. Quant aux prévisions pour les exercices suivants, elles ne laissent apparaître aucun espoir d'amélioration avant plusieurs années.

C'est une situation inacceptable, que notre responsabilité d'élu-e-s nous commande d'affronter ensemble et sans attendre.

Le constat est clair : nous sommes au pied du mur.

L'analyse du Conseil d'État : il faut franchir l'obstacle

Nous pouvons rester au pied du mur et débattre sans fin pour savoir si les uns ont provoqué cette situation, si les autres se sont voilés la face ou si nous aurions dû agir autrement.

Ou alors admettre que ces questions ne présentent plus aucun intérêt et consacrer toute notre énergie et notre temps pour franchir l'obstacle ensemble, en gardant la tête froide.

Tout comme notre tissu industriel au lendemain du choc monétaire du 15 janvier 2015, nous devons nous montrer capables de prendre des décisions courageuses, déterminées et rapides. Et nous devons réussir à le faire sans sombrer dans une atmosphère de sinistrose. D'abord par décence envers la multitude d'autres régions de la planète qui doivent affronter des situations bien plus dramatiques que nous. Ensuite, parce qu'une telle attitude aurait pour seul effet d'aggraver encore notre situation. Et enfin, parce que nous avons dans ce canton des atouts et des qualités qui ne disparaissent pas avec les recettes fiscales et sur lesquels nous pouvons nous appuyer pour rebondir.

Il faut donc agir vite et bien pour rétablir notre situation financière.

Rétablir notre situation financière : un programme de 100 millions

Cela passe en premier lieu par la concrétisation accélérée des mesures issues du précédent programme d'assainissement et qui étaient encore en suspens.

Mais cela ne suffira malheureusement pas.

C'est la raison pour laquelle le Conseil d'État a décidé d'accompagner la présentation du budget – ce jeudi 29 septembre – d'un nouveau programme d'assainissement de nos finances, un deuxième train de grande ampleur.

C'est un programme conséquent, forcément douloureux, mais crédible, réaliste et équilibré, qui porte sur des mesures supplémentaires durables de l'ordre de 100 millions de francs, qui se déploieront dès 2017 et porteront pleinement effet en 2020.

Ce programme doit nous permettre de revenir dans les limites imposées par les mécanismes de maîtrise des finances dès 2019. Ce délai est très ambitieux, mais il est impératif si nous voulons éviter une hausse automatique du coefficient fiscal. En effet, la loi ne prévoit aucune possibilité de solliciter à plus de deux reprises une dérogation aux mécanismes.

Concrètement, le programme sera finalisé dans les deux mois à venir, pour être soumis à votre autorité en même temps que le budget. Il s'agit donc, à ce stade, d'options qui doivent encore être affinées.

Néanmoins, les grandes lignes sont d'ores et déjà clairement posées :

  • Des réductions de prestations dans tous les principaux domaines de subventions aux personnes et aux institutions notamment la formation, la santé, les prestations sociales et les transports, pour plus de 40 millions.
  • Une diminution de l'ordre de 10 millions de la masse salariale, incluant la finalisation du programme engagé en 2014 pour réduire les effectifs, une réduction supplémentaire des effectifs de 2,5% à réaliser dès l'exercice 2017, couplée à une augmentation équivalente de l'horaire de travail pour le personnel de l'administration, ainsi qu'une diminution de 2,5% des salaires des magistrat-e-s, au premier rang desquels les membres du Conseil d'État.
  • La concrétisation du solde des transferts de charges aux communes issu du premier programme d'assainissement, pour environ 25 millions, avec des mesures qui déploieront leurs effets en 2018 et 2019.
  • Et enfin, le maintien des recettes actuelles, notamment par le report de la réforme de la fiscalité des personnes physiques et la préservation des revenus actuels de parafiscalité, pour environ 25 millions.

Toutes ces mesures seront douloureuses et impopulaires, nous le savons. Et nous savons aussi qu'elles auront inévitablement des impacts négatifs pour l'ensemble de la population, puisque cela fait bien longtemps déjà que les dépenses publiques se limitent au strict nécessaire.

Mais après avoir retourné les problèmes dans tous les sens durant les dernières semaines, le Conseil d'État a acquis la ferme conviction que s'il faut continuer à investir, il n'y a par contre pas d'autre option que d'adapter nos structures, nos standards et nos prestations à la réalité de nos moyens.

En regard des enjeux, une rupture fondamentale s'impose.

Une rupture non pas dans la vision stratégique, non pas dans les directions prises à travers les différentes politiques que nous avons posées avec vous, non pas dans la volonté de créer des dynamiques porteuses d'une prospérité durable.

Non, c'est dans le rythme des décisions que nous devons prendre et dans notre attitude collective face à l'obstacle que cette rupture doit intervenir.

Construire l'avenir : six mois pour passer de la parole aux actes

Parce que nous avons nous un triple défi à relever, qui implique de passer sans tarder de la parole aux actes :

  • Nous devons démontrer que nous sommes capables de gérer la situation financière de manière responsable et sans psychodrame.
  • Nous devons aussi aboutir plusieurs dossiers stratégiques dont nous avons déjà longuement débattu et qui appellent maintenant des décisions.
  • Et nous devons enfin continuer à travailler, à tous les niveaux et sans relâche, pour nous donner les meilleures chances de fonder le développement futur du canton sur des bases solides.

Pour le Conseil d'État, ces trois défis sont indissociables. Aucun d'eux ne fait sens hors d'une logique globale. Et surtout, aucun d'eux ne nous attendra si on ne s'en saisit pas maintenant. 

C'est un contexte exigeant, qui nous impose de serrer les rangs et de dépasser les logiques électorales de court terme.  

Nous devons lutter ensemble pour éviter de tomber dans l'ornière, construire ensemble des solutions fondées sur l'intérêt général et porter ensemble une vision d'avenir réaliste et capable de fédérer toutes les forces du canton.

C'est dans cette perspective, et avec la conviction que le capitaine ne quitte pas le navire par gros temps, que le Conseil d'État in corpore annonce devant vous sa volonté de poursuivre son engagement au service de la population durant la prochaine législature.

Et si nous le faisons d'une seule voix, c'est également d'une seule voix que nous nous engageons derrière un programme de travail intense et ambitieux pour les six mois à venir, qui consiste ni plus, ni moins à réinventer Neuchâtel :

  • Demain, dans le cadre du forum RUN, lancement d'une nouvelle démarche de concertation avec les 36 communes du canton, afin de définir en l'espace de six mois des priorités partagées pour renforcer l'attractivité de chacune des grandes régions du canton et développer l'économie présentielle, en évitant de nous disperser.
  • Jeudi, présentation publique du budget 2017 et du cadre du nouveau programme d'assainissement.
  • En novembre, retour devant vous pour trois dossiers stratégiques que sont le NHOJ, l'Hôpital neuchâtelois et l'Université. Des dossiers qui sont emblématiques d'un État qui organise ses structures et ses modes de gouvernance, qui affronte les défis d'aujourd'hui et qui investit pour son avenir.
  • En décembre, adoption du budget 2017 et validation du nouveau programme d'assainissement par votre autorité.
  • En janvier, début de la consultation sur le Plan directeur cantonal afin de lever le risque de blocage de nos zones à bâtir par la Berne fédérale et gagner en attractivité résidentielle.
  • En février, votations populaires sur l'Hôpital neuchâtelois au niveau cantonal et sur FORTA au niveau fédéral, un rendez-vous majeur pour doter enfin notre canton de structures dont il a besoin pour construire son avenir.
  • En mars prochain enfin, adoption en première lecture de la réforme des institutions et instauration de la circonscription électorale unique.
  • Et en parallèle, durant toute cette période, poursuite du travail de conviction auprès la Confédération pour obtenir le soutien nécessaire à la réussite du RER, ainsi que des efforts en matière de formation, d'emploi et de développement économique, pour confirmer la vocation de Neuchâtel en tant que canton producteur de richesses et d'innovation.

Réinventer Neuchâtel : pour nos enfants

Voilà, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés,

La situation du canton est critique, c'est une réalité.

Les défis à relever sont de taille, c'est une évidence.

Mais nous sommes tous là, dans cette salle, réunis par la seule volonté de servir ce canton, ce canton que nous aimons toutes et tous.

Ensemble, dans les six mois à venir, nous pouvons retrousser les manches, adapter nos structures à la réalité de nos moyens, concrétiser cette vision d'un canton qui se pense désormais comme un seul espace, cesser de cultiver la nostalgie d'un glorieux passé depuis longtemps révolu et fixer désormais nos regards droit devant, pour construire notre avenir.

Oui, nous allons réinventer Neuchâtel. Parce que nous voulons que nos enfants puissent à leur tour être les enfants heureux de la meilleure des patries.

Je vous remercie de votre attention.

Seules les paroles prononcées font foi!

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