Comptes de l’État 2015

Résultat équilibré, structure financière fragile

25.04.2016

Les comptes 2015 de l'État de Neuchâtel présentent un léger excédent de revenus de 59'688 francs, après une attribution à la réserve conjoncturelle de 8,9 millions de francs, alors que le budget prévoyait un excédent de charges de 11,3 millions. L'essentiel de l'amélioration résulte de la dissolution d'une provision d'une vingtaine de millions concernant l'Université. Les investissements nets se montent à 47,3 millions, à comparer à une enveloppe budgétaire fixée à 57 millions de francs. Ainsi, le degré d'autofinancement s'élève à 109,2% et les limites du frein à l'endettement sont respectées. Le Conseil d'État affiche une satisfaction mesurée. Certes, le résultat est équilibré, mais d'autres indicateurs, notamment l'évolution des recettes de l'impôt sur les personnes morales et les engagements, sont au rouge. 

Chute importante de l'impôt sur les personnes morales 

Le résultat des comptes 2015 est marqué par un recul important des recettes de l'impôt sur les personnes morales de près de 20%, soit 44,5 millions de francs par rapport au budget (-46,2 millions ou -20,7% par rapport aux comptes 2014). Le tissu économique cantonal montre sa réactivité et sa sensibilité aux marchés d'exportations et à la problématique du franc fort. A contrario, l'impôt sur les personnes physiques a évolué positivement. Il progresse de 33,7 millions ou +4,9% par rapport au budget (+26,7 millions ou +3,7% par rapport aux comptes 2014), profitant des bordereaux-solde 2014 encore favorables et du succès de l'amnistie fiscale. Le Conseil d'État s'en réjouit, car ce résultat atténue la mauvaise performance de l'impôt sur les personnes morales. Toutefois, le gouvernement n'y voit pas de tendance à moyen terme au vu de l'évolution conjoncturelle et sociodémographique, compte tenu aussi des réformes en cours et de la fin de la période d'amnistie fixée au 31 décembre courant. 

Variations différenciées des autres revenus 

Concernant les autres impôts, les lods (-6,1 millions ou -18,8%) et l'IFD (-2,7 millions ou -3,5%) enregistrent des baisses par rapport au budget alors que l'impôt à la source (+5,3 millions ou +17,2%), l'impôt sur les successions (+1,4 million ou +8,3%) et l'impôt anticipé (+3,3 millions ou +31,0%) progressent. Ensemble, ces autres impôts augmentent de 3,6 millions ou 1,7% par rapport au budget et de 6,1 millions ou 2,9% par rapport à l'exercice 2014. 

Les autres variations de revenus concernent notamment la part au bénéfice 2014 de la BNS enregistrée dans les comptes 2015. Celle-ci a doublé à 28,9 millions au lieu des 14,5 millions habituellement conventionnés, permettant le rattrapage de l'année 2013 où aucun montant n'avait été versé aux cantons et à la Confédération. Comptablement, ce revenu exceptionnel a par ailleurs permis, comme le Conseil d'État l'avait annoncé il y a un an, de compenser le report d'un exercice dans la comptabilisation du bénéfice 2015 de la BCN, qui sera enregistré aux comptes 2016 afin de respecter les principes du MCH2. Cette correction engendre un manque à gagner de 16,8 millions en 2015. 

Dissolutions importantes de provisions 

Le résultat positif s'explique en grande partie par des ajustements de provisions et réserves à hauteur de 30 millions de francs nets, soit des dissolutions d'environ 52 millions et la constitution de réserves et provisions pour 22 millions. Parmi les dissolutions, à relever un montant de 22,7 millions concernant la brèche supposée de financement de l'Université par la Confédération. En effet, le Tribunal administratif fédéral a conclu, dans un arrêt du 10 novembre 2015, que le versement de 2013 concernait les subventions de base dues non pour l'année 2013 mais bien pour l'année 2012, validant par là-même le système de subventionnement préexistant (subvention n versée en n+1). Cette décision a provoqué la dissolution de la provision de 22,7 millions constituée en 2013 et la comptabilisation d'un revenu extraordinaire sur l'exercice 2015. 

Charges en hausse par rapport aux comptes 2014 

Les charges brutes se montent à 2'188,7 millions de francs, soit 35,4 millions ou 1,6% de plus qu'au budget. L'écart par rapport au budget concerne essentiellement la constitution des réserves et provisions pour un total de 32,7 millions. Les montants principaux concernent le versement à la réserve conjoncturelle (8,9 millions) et les virements à la fortune des fonds (10,7 millions). 

 Par rapport aux comptes 2014, les charges hors opérations extraordinaires (versements à la caisse de pensions et à la réserve conjoncturelle) augmentent de 54,5 millions de francs ou +2,5%. Cette hausse concerne les charges de transfert (sans subventions redistribuées) à hauteur de 14,9 millions ou +1,3%, notamment dans le domaine de la prévoyance sociale, des hospitalisations hors canton et de l'Université. Mais les charges d'exploitation sont aussi concernées. Ainsi, les charges de personnel ont légèrement progressé de 6,8 millions (+1,5%) à 442,9 millions en raison de l'évolution des effectifs, mais restent inférieures au budget 2015 de 8,2 millions ou -1,8%. Par rapport à 2014, les biens, services et marchandises progressent également de 5,7 millions ou +4,3%, mais restent eux-aussi bien maîtrisés avec un montant inférieur de 11,3 millions par rapport au budget. Cette hausse s'explique en grande partie par le transfert du compte des investissements vers le compte de fonctionnement de charges d'entretien dans le secteur des bâtiments, conformément à l'exigence des directives comptables. 

Investissements modestes 

Les investissements nets se montent à 47,3 millions de francs, soit 9,7 millions ou -17,0% de moins que l'enveloppe budgétée de 57 millions. Il faut également rappeler que cette enveloppe était majorée d'un écart statistique (overbooking) de 15 millions, qui portait le total des crédits budgétés à 72 millions. La prise de participation dans des sociétés électriques pour un montant de 5 millions n'a notamment pas pu être concrétisée en 2015. Les autres principaux écarts concernent les crédits routiers (-4,9 millions) l'assainissement énergétique du CPLN (-3,2 millions), le report en 2016 du nouvel hôtel judiciaire (-3,0 millions) et les prêts de politique régionale (-2,6 millions). La relative faiblesse des investissements est à mettre en perspective avec les importants projets planifiés pour les prochaines années. 

Dette importante et équilibre précaire du bilan 

La dette au 31 décembre a augmenté de 79,4 millions ou +6,9%, passant de 1'149,4 millions de francs à 1'228,8 millions. Le taux moyen est passé de 2,39% à 2,23%, grâce aux conditions des marchés financiers qui restent favorables aux emprunteurs. En prévision de l'introduction du MCH2 et du nouveau mécanisme d'équilibre financier prévu par la LFinEC (cf. art. 30), le taux d'endettement net a également été calculé. Il représente le rapport de la dette nette sur les revenus fiscaux cantonaux annuels. En 2015, il se monte à 107,4% et dépasse ainsi la limite qui imposera un degré minimal d'autofinancement de 80% au lieu des 70% actuels. Le découvert reste aussi important. Il se monte à 614,9 millions de francs, soit 31% du total du bilan de 1'978,6 millions. De plus, les engagements conditionnels hors bilan s'élèvent au 31 décembre 2015 à 2'255,8 millions de francs, dont 398,2 millions d'actes de cautionnement formels en faveur des établissements autonomes de droit public (338 millions) et d'institutions de droit privé (60,2 millions). Le solde se compose notamment des garanties des avoirs LPP en faveur du personnel de l'État (807,0 millions) et des autres employeurs affiliés (1'042,6 millions). 

Situation globale préoccupante 

Malgré un résultat du compte de fonctionnement positif, la situation financière de l'État reste préoccupante. Le bilan, en particulier l'endettement et les engagements conditionnels, mettent en évidence une situation structurelle très délicate, héritage de plusieurs décennies de difficultés et de limites dans la capacité du canton à se réformer et à repenser ses structures depuis la crise des années 70. Les nouvelles normes comptables font ainsi apparaître les engagements pris jusqu'ici en partie hors bilan. Et lorsque la conjoncture devient moins favorable, comme ce fut le cas en 2015 et le restera probablement encore en 2016 et 2017, le canton se retrouve immédiatement en situation précaire. 

Projets importants et réformes en cours 

Ce contexte difficile ne doit néanmoins pas faire oublier ce qui a été accompli. Depuis l'introduction du frein à l'endettement en 2006, les comptes ont présenté un solde positif durant sept années sur dix. Les dynamiques de charges sont atténuées et chaque décision fait l'objet d'une analyse financière pointue. Des projets importants et positifs pour l'avenir du canton sont en voie de réalisation et le Conseil d'État entend conserver ce cap. 

Toutefois, le gouvernement ne pourra le maintenir que si l'État retrouve une base financière saine. Le rapport du Conseil d'État au Grand Conseil sur le programme d'assainissement 2017-2019, de novembre 2015, constitue une nouvelle étape dans cette direction. La priorisation des prestations devra néanmoins se poursuivre, à l'instar surtout du redimensionnement des structures publiques et du prolongement des efforts soutenant la création et la circulation de richesses.