Primes LAMal 2016

Le Conseil d'État dénonce un système à la dérive

24.09.2015

​Le Conseil d'Etat a pris connaissance des primes de l'assurance obligatoire des soins (AOS) annoncées ce jour par le Département fédéral de l'intérieur (DFI) pour 2016. Même si son intervention déterminée durant les dernières semaines a permis de limiter l'ampleur des dégâts, les primes connaîtront l'an prochain la plus forte hausse jamais enregistrée dans le canton, avec une progression de la prime moyenne cantonale de 8,2% (prime adulte en franchise ordinaire, inclus risque accident). Cette évolution est d'autant plus indigeste que la hausse des coûts anticipée aussi bien par les assureurs que par le canton se situe à un niveau largement inférieur. Le Conseil d'Etat estime que le Parlement fédéral doit prendre acte de la dérive du système et redonner aux pouvoirs publics de réelles possibilités de contrôle et de conduite.

Une hausse brutale des primes moyennes qui ne traduit pas l'évolution des coûts

Chaque année, l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) met brièvement en consultation les primes proposées par les assureurs et les prévisions de coûts pour l'année suivante auprès des cantons. C'est ainsi que le Conseil d'Etat a pris connaissance il y a quelques semaines des hausses massives qui frapperaient la population neuchâteloise. Constatant que l'augmentation globale des primes était deux fois plus importante que la hausse attendue des coûts, que les évolutions prévues étaient totalement disproportionnées d'un assureur à l'autre et que la justification apportée dans la fixation du niveau des primes était totalement incohérente et non valablement documentée par certains assureurs, le Conseil d'Etat a réagi de manière ferme et déterminée. Il est notamment intervenu auprès des autorités fédérales compétentes et de certains assureurs-maladie, tout en coordonnant son action avec d'autres cantons.

Si ces différentes démarches ont permis de limiter certaines hausses de primes totalement excessives, il est également apparu que les primes des précédents exercices avaient été fixées à des niveaux insuffisants pour couvrir les coûts, notamment par la caisse Assura, qui compte de loin le plus gros effectif d’assurés dans le canton. Cette situation provoque un important rattrapage, que l'opacité du système n'avait pas permis de mettre en évidence plus tôt. En y ajoutant l'effet induit par les changements d'affiliation intervenus durant ces dernières années et la situation unique du canton, qui voit un assureur-maladie, Assura, occuper à lui seul une part de marché de 45%, la hausse de la prime moyenne cantonale évoluera de manière beaucoup plus rapide que les coûts.

Conséquences néfastes pour la population et pour les collectivités publiques

L'impact premier de la hausse des primes sera supporté par la population neuchâteloise, qui verra son revenu disponible diminuer, dans un contexte économique difficile qui voit les salaires stagner ou même baisser. Afin de limiter cet impact, les personnes assurées sans modèle d'assurance particulier pourront s'orienter vers des solutions moins onéreuses telles que les modèles "médecin de famille", "réseau de soin" ou "conseil téléphonique" que proposent la plupart des assureurs. Elles pourront aussi changer d'assureur pour s'orienter vers une caisse pratiquant des primes moins élevées, lorsque cela est possible.

La hausse des primes aura aussi un fort impact sur les collectivités publiques, qui supporteront des charges accrues de plusieurs millions de francs au titre des subsides octroyés pour la réduction des primes, conformément aux législations fédérale et cantonale en vigueur. Des solutions sont à l'étude pour assumer les obligations légales malgré la situation financière difficile que vivent l'Etat et les communes. Le Conseil d'Etat s'attachera tout particulièrement à préserver les enveloppes dévolues aux subsides dont bénéficient les familles et les travailleurs à revenus modestes, afin de limiter l'aggravation des effets de seuil induite par la hausse des primes.

Appel à une transparence accrue et à une gouvernance renforcée 

Au-delà du décalage temporel entre l'évolution des primes et celle des coûts, le Conseil d'Etat constate que l'absence de transparence des assureurs-maladie sur leurs dépenses réelles par canton, par catégorie d'assurés, par groupe de prestations et par prestataire de soins, couplée à un éclatement des données entre de nombreux assureurs-maladie actifs dans le canton, empêche toute lisibilité du système et des évolutions des comportements des différents acteurs.

De plus, à ce jour, l'autorité fédérale de surveillance (OFSP) ne dispose pas de compétence décisionnelle lui permettant de refuser des primes excessives, alors même que le système de l'assurance obligatoire des soins implique un prélèvement obligatoire de plusieurs centaines de francs par personne et par mois, qui représente pour nombre de familles une charge plus lourde que l'impôt.

Tout cela dans un contexte dans lequel une partie importante des acteurs ont un intérêt à augmenter le volume des prestations, qu'il s'agisse des fournisseurs de soins, des assureurs qui justifient leurs frais administratifs en pourcentage des volumes ou encore de certains assurés consommateurs de prestations de soins. A cet égard, le Conseil d'Etat constate que certaines réformes adoptées au plan fédéral ces dernières années (réformes du financement des soins et du financement hospitalier) pour atteindre une meilleure maîtrise des coûts n’ont manifestement pas produit l’effet escompté. Au contraire, le renforcement de la concurrence dans le système de santé et la limitation des capacités d'intervention des pouvoirs publics ont contribué à aggraver la situation.

Face à ces constats, le Conseil d'Etat considère que les pouvoirs publics doivent retrouver des moyens d'action et des leviers de décision permettant d'assurer un pilotage du système de santé, dans la perspective de l'intérêt public et avec le souci de la transparence due aux assurés et aux contribuables. La loi fédérale sur la surveillance de l'assurance-maladie (LSAMAL), qui entrera en vigueur le 1er janvier 2016, est une nécessité, mais ce n'est qu'un premier pas. Un renforcement des instruments de régulation et de pilotage de l'offre de soins ambulatoires et de la gestion du système d'assurance-maladie (fixation et encaissement des primes, compensation des risques, comptabilité analytique) sont des pistes concrètes pour améliorer le système. Si le Conseil d'Etat entend utiliser toutes les marges de manoeuvre à sa disposition, notamment au travers des réformes annoncées dans son rapport de politique sanitaire 2015-2022, il considère qu’il est nécessaire et urgent d’adapter le cadre légal fédéral. Le Conseil d'Etat appelle dès lors le Parlement fédéral à agir.